vendredi 30 mars 2018

The DICTATOR POPE (Marcantonio Colonna) -51-

Un Ordre décapité
 
          L’intervention du Pape François a été réalisée avec des méthodes bien connues. La démission du Grand Maître devait encore, en vertu de la constitution de l’Ordre, être approuvée par le Conseil ; le 25 janvier, le lendemain de la démission de Fra Matthew, le Grand Chancelier par intérim a reçu un appel téléphonique de l’Archevêque Becciu, au nom du Pape, le mettant en garde contre toute prise de position de dernière minute. Le même jour, un prélat curial, sans poste dans l’Ordre mais bien disposé à en avoir un, est arrivé pour donner des conseils privés. Il a confié aux chevaliers mot pour mot : « Il faut que vous réalisiez que le Pape François est un dictateur impitoyable et vindicatif, et si vous faites la moindre tentative de résistance, il détruira l’Ordre. »

      En tenant compte de ces avertissements, le 28 janvier, le Conseil de l’Ordre, avec le Grand Maître toujours présent, a voté pour la reddition : la démission de Fra Matthew a été acceptée, Fra John Critien s’est retiré comme Grand Chancelier, et le Baron Boeselager a repris sa place, apparaissant dans la salle du Conseil dès que le Grand Maître l’a quittée. Dans les jours qui ont suivi sa réintégration, Boeselager a mis fin à la poursuite contre la fiduciaire à Genève, en un rien de temps. L’Ordre a reçu 30 millions d’euros du trust, et l’Archevêque Tomasi aurait reçu 100 000 francs suisses pour sa propre fondation. Quant à l’affaire du préservatif, les dénis de responsabilité de Boeselager ont été acceptés sans examen minutieux, et c’est l’homme qui contrôle effectivement l’Ordre.

      Depuis lors, la pression du Vatican sur l’Ordre n’a pas diminué. Dans sa conversation avec le Pape le 24 janvier, le Grand Maître Festing avait accepté de démissionner, étant entendu qu’une élection normale serait organisée pour choisir son successeur, mais il demanda au Pape : « Et s’ils me réélisent ? » Le Pape François a dit que ce serait acceptable. Cette réponse a été rapportée par Fra Matthew au chevalier qui l’accompagnait dans la voiture qui revenait du Vatican, et elle était connue de tous dans le palais magistral le soir même. En l’occurrence, l’élection de fin avril s’est déroulée dans le cadre d’une intervention étroite du Vatican, y compris une tentative d’empêcher Fra Matthew d’y prendre part, comme c’était son droit en tant que Bailli Grand-Croix de l’Ordre ; il a été clairement indiqué que sa réélection ne serait pas tolérée. Le résultat fut l’élection d’une non entité à la tête de l’Ordre, non pas comme Grand Maître mais comme Lieutenant par intérim pendant douze mois, comme la meilleure couverture pour le contrôle continu de Boeselager (qui, n’étant pas profès, n’était pas lui-même éligible). Ce résultat a été obtenu face à l’inquiétude largement répandue dans l’Ordre au sujet de nombreux problèmes qui avaient été révélés : le contexte financier troublant de la crise, l’intervention arbitraire du Vatican, l’injustice envers Fra Matthew Festing, le brossage sous le tapis du scandale du préservatif, et la sécularisation de l’Ordre susceptible d’être entraînée par les "réformes" dont parlent Boeselager et le parti allemand (156).

      L’intervention du Pape François dans l’Ordre de Malte s’inscrit dans le schéma familier de ses méthodes : en ce qui concerne le Cardinal Burke, une première conversation dans laquelle il a donné une impression de soutien, suivie d’une trahison complète, visant à humilier un adversaire ; en ce qui concerne le Grand Maître, une convocation privée à venir seul en audience, n’en parlant à personne, et une demande surprise de démission. À cela s’ajoute l’attitude cavalière envers l’enseignement moral de l’Église, mais une appréciation très pratique de l’argent et du pouvoir qui ne correspond pas vraiment aux aspirations d’une « Église des pauvres » et aux condamnations de la « mondanité spirituelle ».

      Néanmoins, contrairement aux Frères de l’Immaculée, l’Ordre de Malte n’a pas souffert personnellement du coup porté à son gouvernement. Ce qui a souffert, c’est la primauté du droit. Quelques jours après la destitution du Grand Maître, un chœur de critiques s’éleva, notamment de la part des avocats, contre ce que le Pape avait fait. Il a été souligné que, si le Saint-Siège pouvait faire fi de la souveraineté de l’Ordre de Malte, rien n’empêchait le gouvernement italien d’envoyer sa police pour enquêter sur les finances de la Cité du Vatican. Il ne fait guère de doute que ces considérations ont empêché le Pape François et le Cardinal Parolin d’y faire leur entrée et de reprendre l’Ordre sans condition, comme leurs déclarations initiales le suggéraient. C’était un trait caractéristique d’un épisode dans lequel les considérations de pouvoir et de contrôle financier étaient au premier plan et la moralité était en peu de considération.

(156) Dès le début, le Baron Boeselager s’est lancé dans une politique visant à réduire au silence les critiques en intimidant des sections des médias qui soulignaient les invraisemblances dans sa version des événements. Ainsi, il a intenté un procès contre le site autrichien Kath.net pour avoir cité un article critique dans Bild (curieusement, il n’a pas poursuivi Bild lui-même). En septembre 2017, sa plainte contre Kath.net a été rejetée par un tribunal de Hambourg, qui a jugé que les motifs pour lesquels il avait été renvoyé par le Grand Maître Festing étaient corrects en tout point. Pourtant, Boeselager reste aux commandes de l’Ordre de Malte et Festing reste déposé.

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