Le nouveau régime
de la Casa Santa Marta
Quand le Pape François a été élu, aucun de ses actes n’a été plus loué, comme preuve de sa modernité et de son esprit démocratique, que la décision d’éviter l’ancien appartement papal dans le Palais Apostolique et d’emménager dans les locaux de la Casa Santa Marta, la maison des cardinaux de passage, où il vit depuis lors. D’autres implications de ce choix ont été quelque peu négligées, par exemple le fait que la mise à niveau de la Casa Santa Marta pour son nouvel usage aurait coûté deux millions d’euros – alors que l’ancien appartement papal doit bien sûr encore être entretenu. Mais il vaut la peine d’évaluer les aspects psychologiques du déménagement. Omar Bello note que le Pape François a jeté un coup d’œil à l’ancien appartement, avec ses suites majestueuses, où les papes avaient traditionnellement mangé leurs repas dans une solitude grave, et s’est immédiatement rendu compte qu’il isolait le pape de la Curie. À Santa Marta, le Pape François a les cardinaux près de lui, et il mange dans la salle à manger publique. Un journaliste a fait remarquer qu’il s’agit d’une « méthode de contrôle, afin de s’informer au déjeuner sur les événements dans les divers camps du Vatican » (159). L’emprise du Cardinal Bergoglio sur sa curie archiépiscopale de Buenos Aires est ainsi transférée à son nouveau poste.
Le chapitre 3 a en partie décrit le régime que le Pape François conduit à partir de ce bastion : il s’agit d’un régime dans lequel les attentes de réforme ont été anéanties et ont été remplacées par une insécurité chaotique. L’udienza di tabella, qui assurait aux chefs des dicastères des audiences bimensuelles, a été abolie, et l’accès à la présence papale est laissé au bon vouloir du Pape François. Les évêques qui travaillent au Vatican vous diront que les anciennes rencontres fraternelles que les papes avaient l’habitude de leur accorder ont disparu ; certains d’entre eux ont à peine parlé à François depuis son élection. Rien ne pourrait être moins « collégial » que la façon dont ce héros du lobby saint-gallois traite ses subordonnés. Le contrôle de la Secrétairerie d’État sur le reste de la Curie est devenu plus absolu que jamais. Et tout le monde, des cardinaux aux monsignori, est maintenu dans un état de nervosité permanente par les coups de poignard, les critiques publiques brusques, les saccages et l’affaiblissement déguisé qui sont la marque du nouveau régime.
Le Cardinal Pietro Parolin, nommé Secrétaire d’État en octobre 2013, a d’abord été le curial favori, et François s’est laissé aller à sa volonté de préserver et même d’étendre les prérogatives de sa charge. Mais ce n’est pas le style de François de laisser quelqu’un en sécurité. Depuis quelque temps, le Pape utilise le Sostituto de Parolin, l’Archevêque Angelo Becciu, comme un outil plus prêt, parce qu’il a plus à gagner de son maître. Becciu est l’homme qui fait le sale boulot du Pape pour lui, et il le fait efficacement. C’est lui qui a téléphoné à PricewaterhouseCoopers en 2015 pour les informer que l’audit du Vatican ne parviendrait pas à la Secrétairerie d’État ; il a été l’homme imposé aux Chevaliers de Malte dans la prise en main lourde de cet ordre par François ; et il a été la figure clé dans le licenciement violent du Vérificateur Général en juin 2017. Il est largement admis au Vatican que Becciu a maintenant plus de pouvoir réel que Parolin, et qu’il pourrait bien se mettre à sa place bientôt (160). Dans l’ensemble, ce que nous avons ici est un régime tout aussi politique et peu spirituel que ce qui a été vu sous Bertone et Sodano.
Dans ce régime,
les prélats qui jouissent de faveurs sont des flagorneurs comme le
Cardinal Coccopalmerio, qui a utilisé son influence pour protéger
le prêtre pédophile Inzoli et qui a employé comme secrétaire
Monseigneur Luigi Capozzi, jusqu’à ce qu’il soit arrêté dans
une partie de drogue homosexuelle ; ou un wheeler-dealer
non-réformé comme le Cardinal Calcagno, dont le sombre passé
d’évêque de Savone ne l’empêche pas de prendre en charge les
richesses de l’Église ; ou le Cardinal Baldisseri, l’habile
manipulateur de la « miséricorde » dans le Synode sur la
Famille.
De l’autre côté, les cardinaux qui ont senti le froid sont ceux en qui le Pape Benoît XVI a placé sa confiance : les Cardinaux Burke, Müller et Sarah, auxquels on peut ajouter le Cardinal Ouellet, qui a été mis à l’écart parce qu’il se montre trop indépendant (161). Mis à part les idées, ce sont tous des hommes sincères dans la parole et dans l’action, et contre le caractère moral desquels aucune parole n’a été prononcée. Ceux qui entourent le Pape François sont généralement décrits par les commentateurs comme les « réformateurs », et ceux qui sont exclus comme des « anti-réformistes ». Cela soulève la question : comment évaluer cette réforme qui consiste à employer des gens sournois et à bannir les personnes franches et honnêtes ?
(159) Matthias Matussek dans Die Woche, 12 avril 2017.
(160) L’Archevêque Becciu est un Sarde, et ce n’est peut-être pas un hasard si sa ville natale, Pattada, est célèbre pour la production de couteaux.
(161) Un autre dont le nom est rarement mentionné est le Cardinal Mauro Piacenza, un Ratzingerien qui avait été Préfet du Clergé, où il avait remplacé le proche collaborateur de Bergoglio, le Cardinal libéral brésilien Hummes. Immédiatement après l’élection de François, Piacenza, un « conservateur social » de renom a été rétrogradé pour servir comme Grand Pénitencier.
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